Pourquoi est-ce important ?
Dans la plupart des contextes humanitaires, faute d’alternatives plus durables, l’élimination finale des déchets est souvent incontrôlée, ce qui signifie qu’ils ne sont pas collectés, qu’ils sont déversés ouvertement ou brûlés ou, au mieux, qu’ils sont collectés et déversés dans une installation incontrôlée. (1) La combustion incomplète des déchets émet du CO2 et d’autres fumées potentiellement toxiques, principalement du méthane provenant de la décomposition des déchets organique, (2) ce qui contribue au changement climatique. Les décharges et les dépotoirs non contrôlés contaminent le sol et les sources d’eau avec leurs lixiviats hautement contaminés. (3) Le brûlage à l’air libre est également particulièrement nocif, car il libère des polluants tels que les dioxines, les furannes ou les particules, également appelés « produits chimiques à vie », qui restent dans l’environnement. Ils peuvent avoir des effets négatifs importants sur l’environnement (contamination de l’air, du sol et de l’eau) et sur la santé, avec l’apparition possible de diarrhées, d’infections respiratoires, de paludisme, de maladies cardiaques mais aussi de cancers ou de troubles hormonaux. (4)
Quelles sont les solutions ?
Outre le compostage, l’élimination finale des déchets, comme la mise en décharge ou l’incinération, peut avoir un impact significatif sur l’environnement. C’est pourquoi la priorité absolue doit être accordée à la réduction des déchets, au compostage et au recyclage. Une fois que les déchets ultimes non évitables sont collectés, ils doivent être correctement analysés en tenant compte des réglementations locales et des infrastructures existantes afin de définir les méthodes d’élimination appropriées. Les déchets organiques doivent être triés et compostés. Les déchets municipaux non dangereux sont généralement éliminés dans des décharges contrôlées et réglementées, idéalement dotées d’un système de récupération d’énergie qui recueille le méthane des matières en décomposition. Les déchets dangereux, en revanche, nécessitent un traitement spécifique : certains déchets médicaux, par exemple, doivent être incinérés à haute température. Dans certains cas, des déchets tels que les aiguilles peuvent être enfermés dans des fosses en béton, déchiquetés ou même stérilisés. D’autres déchets comme les piles, les appareils électroniques, les réactifs chimiques nécessitent un traitement spécifique au cas par cas et certains peuvent être partiellement recyclés. En attendant, ils doivent être stockés avec précaution, séparés des autres objets ou déchets. Les installations identifiées doivent être visitées régulièrement et contrôlées par un expert. Unir les forces avec d’autres acteurs clés pour mutualiser l’expertise, le stockage ou le transport. Informer et éduquer le personnel et les communautés afin d’imposer un traitement adéquat.
Les différents types de traitement final des déchets
Compostage
Le compostage est la solution naturelle pour éliminer les déchets végétaux de manière naturelle et sûre. La décomposition des matières organiques (ex : déchets alimentaires, déchets verts des jardins), en particulier dans les décharges non contrôlées ou à ciel ouvert, est une source majeure de méthane (5). Le compostage des déchets organiques permet de réduire de 78 % (6) les émissions de méthane des décharges et de générer des nutriments pour le sol. Voir la fiche solution sur le compostage pour plus de détails.
Mise en décharge
La mise en décharge est le moyen le moins cher et le plus courant d’éliminer les déchets généraux ou non dangereux dans le monde entier. Cependant, la mise en décharge dans des sites ouverts (7) tel qu’il est pratiqué dans de nombreux pays en développement (8) n’est pas sûre par rapport aux sites sanitaires/aménagés (9). Dans certains contextes (par exemple dans les camps de réfugiés ou dans les pays à revenu intermédiaire), les déchets collectés sont envoyés dans des décharges sanitaires. Les décharges sanitaires contrôlées sont dotées d’un système de sécurité, d’une clôture et d’un portail d’accès, d’une membrane empêchant les lixiviats de pénétrer dans le sol, d’un système de compactage des déchets et d’un système d’entretien. Dans le meilleur des cas, le gaz issu de la décomposition des matières est récupéré et réutilisé, de même que la collecte et la gestion des lixiviats.
Déchets enfouis ou déchets encapsulés
En l’absence d’autres solutions (en particulier dans les zones reculées), les déchets peuvent être enterrés dans des fosses.
Certains déchets dangereux tels que les aiguilles ou les déchets organiques médicaux peuvent être scellés dans des fosses en béton (10), à au moins 15 mètres des habitations, protégées par une clôture/barrière pour en limiter l’accès, à au moins 50 mètres des sources d’eau et à 1,5 mètre au-dessus d’une source d’eau souterraine. (11) L’aération et l’épandage de chaux peuvent contribuer à atténuer la contamination et les odeurs. L’encapsulation est utilisée en dernier recours. Dans ce cas, les déchets dangereux sont éliminés dans un tambour rempli de béton et enterré, par exemple pour les filtres à huile, les plaquettes de frein en amiante ou les liquides de frein. Pour plus de détails, voir le guide de MSF sur les fosses d’enfouissement. (12)
Incinération
L’incinération consiste à brûler les déchets dans un incinérateur. Selon le contexte, l’incinération des déchets peut se faire de manière artisanale, à l’aide d’un incinérateur De Monfort (13) ou d’incinérateurs industriels plus sophistiqués. Afin de s’assurer qu’elle ne dégage pas de gaz toxiques (dioxines, furanes et particules), elle nécessite des installations spécifiques et une gestion minutieuse. Plus important encore, la combustion des déchets doit être supérieure à 850 °C pendant au moins 2 secondes (14) (900 °C pour les déchets médicaux (15)). L’incinération est généralement l’option préférée pour les déchets dangereux, afin d’éviter la contamination ou la revente de médicaments périmés. L’incinération devant être effectuée de manière contrôlée, il est important d’éviter autant que possible le brûlage à l’air libre ou le brûlage en tambour. Voir la fiche Incinération pour plus de détails.
Broyeur - Stérilisateur
Alternative à l’incinération pour les déchets médicaux mous et les objets tranchants, lorsque l’incinération est interdite ou non disponible. Cela consiste à réduire le volume des déchets dangereux en les broyant puis en les neutralisant par stérilisation. Le produit final peut ensuite être mis en décharge ou enterré en toute sécurité. Cette technique nécessite un équipement de broyage-stérilisation. Voir MSF Pacemaker Guideline page 244, dans la section Outil ci-dessous.
Point d'attention
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Point d'attention
- Procédures relatives aux mouvements transfrontaliers : Même si une installation privée dans un pays voisin accepte de recevoir et de traiter des déchets dangereux, les mouvements transfrontaliers de déchets sont réglementés par la convention de Bâle (16) et une autorisation doit être obtenue par les deux parties gouvernementales. Unir ses forces à celles d’autres acteurs importants tels que les ONGI ou les Nations unies pour négocier.
- Détourner les déchets organiques de la mise en décharge doit être la priorité afin de réduire les émissions de méthane dans les décharges, car il s’agit de l’une des mesures ayant le plus d’impact et relativement facile à mettre en œuvre. Envisager le compostage dans la mesure du possible.
Actions clés
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#1 Diagnostiquer et analyser les quantités et les types de déchets produits
Mettez en place un suivi des déchets pour connaître le type de déchets ultimes produits, leur composition, leur volume. Analyser et améliorer la gestion pour la réduire davantage. Détournez tous les déchets recyclables et les déchets organiques de la mise en décharge. Voir la fiche d’information sur les principes de gestion des déchets.
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#2 Explorer la législation locale et les infrastructures existantes
Bien qu’elle ne soit pas toujours appliquée, la législation nationale sur l’élimination des déchets ultimes doit être respectée. Recherchez les textes, lois et certifications relatifs au transport et à l’élimination des déchets dangereux et non dangereux. Voici une base de données sur la réglementation du plastique. Explorez avec les autorités locales et les autres organisations humanitaires les infrastructures existantes.
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#3 Obtenir des conseils d'experts pour choisir la méthode d'élimination appropriée
En fonction du type de déchets à éliminer et des installations disponibles, obtenez une expertise/des conseils pour choisir la technique d’élimination appropriée : mise en décharge dans un site contrôlé pour les déchets municipaux non dangereux, incinération pour certains déchets médicaux ou dangereux, scellement dans une fosse ou stockage jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée. Envisagez la création d’une zone de déchets s’il n’existe pas d’installation externe dans les régions éloignées. Le brûlage à l’air libre ou la mise en décharge ne constituent jamais une solution appropriée.
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#4 Évaluer la qualité de l'installation avec un expert
Une fois la méthode et l’installation d’élimination identifiées, demandez l’aide d’un expert, tel qu’un consultant local ou international, des experts d’ONGI pour évaluer le site, ou utilisez une installation déjà évaluée par un partenaire digne de confiance. Effectuez des visites régulières. Au minimum, les installations doivent être validées par le gouvernement et posséder une licence valide pour l’élimination des déchets. Consultez notre section Outils et bonnes pratiques pour obtenir des conseils.
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#5 Établir un partenariat et un contrat pour aider à moderniser l'installation
Établissez un contrat avec l’installation, y compris les droits de visite. Lorsque les normes ne sont pas respectées, proposez un plan d’action de correction technique pour les aider à améliorer leurs pratiques si cela est approprié (cela peut inclure une formation). Donnez un calendrier et stockez les déchets pendant qu’ils mettent à jour leurs infrastructures ou leurs procédures. Unir les forces avec d’autres acteurs clés comme les agences de l’ONU ou les ONGI si possible.
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#6 Organiser la collecte et le transport
Prévoyez le transport de l’élimination finale dans le budget. Mettez en place des partenariats avec d’autres acteurs pour mutualiser le transport et réduire les émissions, atteindre un volume de déchets critique et négocier le prix. Envisagez la logistique inverse des déchets : utilisez le transport de livraison des marchandises pour reprendre les déchets des livraisons précédentes vers une installation d’élimination ou de recyclage. Voir le « point d’attention » concernant le transport transfrontalier des déchets.
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#7 Stocker jusqu'à ce qu'une solution soit prête
Le stockage peut permettre d’accumuler une quantité critique de déchets avant de les envoyer à des entreprises de recyclage ou d’élimination des déchets potentielles et de faciliter les négociations. Il peut également être la seule solution lorsqu’aucune solution écologiquement durable n’est identifiée pour des déchets dangereux spécifiques tels que les piles, les déchets électroniques ou les déchets de garage. Stockez les déchets dans un endroit sec, séparément des autres flux de déchets. Prévenez les fuites dans l’environnement en isolant les déchets du sol et de la terre, de l’humidité et des rongeurs.
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#8 Former et éduquer le personnel et les communautés
Expliquez et éduquez le personnel et les communautés afin de les sensibiliser aux dangers de l’élimination incontrôlée des déchets et d’obtenir leur adhésion et leur motivation pour approuver la gestion adéquate de l’élimination des déchets ultimes.
À prendre en considération
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Co-bénéfices potentiels
- Récupération d’énergie à partir des gaz de décomposition des décharges, lorsque l’infrastructure le permet
- Réduction de la consommation d’énergie lorsque les déchets peuvent être utilisés comme combustible dans les cimenteries
- Amélioration du bien-être
- Réduction des risques sanitaires
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Conditions de réussite
- Les infrastructures et les protocoles doivent être strictement contrôlés
- L’expertise interne est disponible pour vous aider à vous orienter vers la « moins mauvaise option ».
- Apprendre des autres organisations présentes dans le contexte, qui ont peut-être déjà effectué une analyse de la meilleure option.
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Conditions préalables et spécificités
- Visiter et évaluer l’installation avec le soutien régulier d’un expert
- Prévoir le budget nécessaire au transport et à l’élimination des déchets
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Risques potentiels
- Dégradation de la qualité d’une installation si elle n’est pas visitée régulièrement
- Une mauvaise gestion des installations de traitement des déchets peut entraîner une pollution grave
Outils et bonnes pratiques
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Guide de gestion des déchets solides, WREC & Logistics Cluster, 2023 (en anglais)
Un guide de gestion des déchets solides spécifique pour les organisations humanitaires et les utilisateurs basés sur le terrain, pour réduire les volumes de déchets et en améliorer la gestion.
Lien ici -
Lignes directrices du CICR sur la gestion des déchets médicaux, 2011 (en anglais)
Un manuel pour ceux qui travaillent sur le terrain pour gérer les déchets dangereux médicaux.
Lien ici -
MSF Technicien en situation précaire, 2010
Dans les chapitres 5 "Collecte et élimination des déchets ultimes" et 6 "Gestion des déchets médicaux" (pages 272 à 325), ce guide international MSF explique comment mettre en œuvre des solutions. Il est complété par le nouveau "Pacemaker" présenté ci-dessous.
Lien ici -
MSF PACEMAKER 100 réponses logistiques pour tenir nos engagements climatiques et environnementaux, 2024
Le centre opérationnel de MSF à Paris a développé et publié début 2024 ce guide pour ses projets humanitaires sur la façon de choisir les techniques d'élimination des déchets finaux en fonction du type de déchets et du contexte, qu'est-ce qu'un broyeur, quel type d'incinérateur utiliser, etc.
Lien ici -
Base de données sur les réglementations et lois relatives au plastique (en anglais)
Un outil complet qui répertorie toutes les réglementations et lois existant dans le monde sur le plastique.
Lien ici
Pour aller plus loin
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Programme des Nations unies pour l'environnement : comment les déchets peuvent devenir une ressource, 2024 (en anglais)
Document sur la gestion globale des déchets "Beyond an age of waste - Turning rubbish into a resource", sur la façon dont les déchets peuvent devenir une ressource grâce au recyclage ou à la récupération d'énergie.
Lien ici -
ISWA (International Solid Waste Association), Livre blanc sur la valorisation énergétique des déchets, 2023 (en anglais)
Comment produire de l'énergie à partir de déchets.
Lien ici -
Décharge semi-aérobie en Malaisie, 2005 (en anglais)
Mise en œuvre du système de décharge semi-aérobie (méthode Fukuoka) dans les pays en développement, exemple de la Malaisie.
Lien ici -
Lignes directrices pour le prétraitement et le co-traitement des déchets dans la production de ciment, 2020 (en anglais)
Société allemande de coopération internationale (GIZ), exploration des incinérateurs des cimenteries utilisés pour l'élimination des déchets dangereux.
Lien ici
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Gestion des déchets
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Compostage
Incinération
Sources
(1) United Nations Environment Programme, ‘Global Waste Management Outlook 2024: Beyond an age of waste – Turning rubbish into a resource’, Nairobi, 2024, Disponible ici.
(2) GAIA, ‘Zero Waste to Zero Emissions: How Reducing Waste is a Climate Changer’, Global Alliance for Incineration Alternative, 2022, Disponible ici.
(3) Liquid resulting from the decomposition waste carrying different contaminants and metals, which, if not collected, end up in the soil, surface and underground water tables.
(4) World Health Organisation, ‘Dioxins’, 2023, Disponible ici
(5) GAIA, ‘Zero Waste to Zero Emissions: How Reducing Waste is a Climate Changer’, Global Alliance for Incineration Alternative, 2022, Disponible ici.
(6) GAIA, ‘Zero Waste to Zero Emissions: How Reducing Waste is a Climate Changer’, Global Alliance for Incineration Alternative, 2022, Disponible ici.
(7) Open air sites where collected waste is being dumped, without collection of leachate or energy recovery.
(8) IWWG, ‘Waste Management Journal: An analysis of the status of landfill classification systems in developing countries: Sub Saharan Africa landfill experiences’, Science Direct, Vol 87, p. 761-771 Disponible ici.
(9) Joint Environment Unit (UNEP/OCHA), UNDR, 2011, Disponible ici.
(10) SPHERE, ‘Standard 5: Solid Waste Management’, Sphere Standards Handbook, 2018, Disponible ici.
(11) UNICEF, ‘Yemen Emergency Human Capital Project’, United Nation for Children’s Fund, 2022, Disponible ici.
(12) Médecins Sans Frontières, ‘Public Health Engineering in Precarious Situations’, Medical Guidelines, chapt. 5, p. 276, 2010, Disponible ici.
(13) The De Montfort incinerator is a low cost and easy to build incinerator, which has 2 combustion chambers and is able to reach temperatures up to 800 °C. It is often used for the incineration of medical waste. It was developed by the De Monfort University (see mw-incinerator.info)
(14) SPHERE, ‘Standard 6: Wash in healthcare settings’, Sphere Standards Handbook, 2018, Disponible ici.
(15) EUR-Lex, ‘Directive 2010/75/EU of the European Parliament and of the Council of 24 November 2010 on industrial emissions’, Europa, 2010, Disponible ici.
(16) ‘The Basel Convention on the Control of Transboundary Movements of Hazardous Wastes and their Disposal’, Basel.int, 2011, Disponible ici
(17) United Nations Environment Programme, ‘Global Waste Management Outlook 2024: Beyond an age of waste – Turning rubbish into a resource. Nairobi’, UNEP, 2024, Disponible ici.
(18) EUR-Lex, ‘Directive 2010/75/EU of the European Parliament and of the Council of 24 November 2010 on industrial emissions’, Europa, 2010, Disponible ici.
(19) GAIA, ‘Zero Waste to Zero Emissions: How Reducing Waste is a Climate Changer’, Global Alliance for Incineration Alternative, 2022, Disponible ici.
Credits
Photo de couverture : Alex Fu/Pexels